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rut plus jolie après une absence de six ans. Mais cette absence avait agi sur la raison de Mlle de Montreuil, qui, d’ailleurs instruite de l’exécrable réputation du marquis, s’accusait de l’avoir aimé, sans se douter qu’elle l’aimait encore, et que ce feu couvert de cendres se rallumerait plus ardemment au moindre souffle de la séduction. Le marquis commença par tromper sa femme pour mieux abuser ensuite sa belle-sœur ; il affecta devant Mme de Sade un changement complet d’idées et de mœurs, il pleura même ses erreurs passées, et fit de tels sermens, que Mme de Sade y ajouta foi en bénissant la main de Dieu.

Mais la première fois qu’il put amener un tête-à-tête entre Mlle de Montreuil et lui, ce fut un langage bien différent : il lui jura qu’il n’avait jamais aimé qu’elle, et que les fautes même dont il s’avouait coupable n’étaient que le résultat de cet amour poussé au désespoir ; il la menaça de se frapper de son épée, de se noyer dans la Sorgue, de se jeter du haut des tours de Saumane, si elle refusait de lui pardonner et de lui rendre le même amour dont il s’était cru digne avant de contracter un mariage détesté. Mlle de Montreuil, ébranlée par ces véhémentes protestations qu’accompagnait la pantomime la plus pathétique et la plus vraie, dissimula néanmoins son émotion en se retirant dans son appartement où le marquis ne réussit pas à la suivre. Il avait assez étudié les signes extérieurs qui trahissent le cœur des femmes, pour être certain que le cœur de sa belle-sœur lui appartenait toujours. Quant à lui, il aimait encore cette jeune personne avec tant de passion, qu’il résolut de l’enlever et de passer avec elle en pays étranger.

Voici l’étrange plan qu’il conçut et exécuta : il se rendit à Marseille dans le courant du mois de juin, accompagné d’un domestique affidé qu’il avait dressé à servir ses plus