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qu’il avait dans la haute aristocratie ; il se concentra dans des amitiés subalternes, fréquenta les comédiens et les gens de lettres les plus mal famés, s’entoura de femmes perdues et ouvrit libre carrière à ses goûts pervers. M. de Montreuil obtint un ordre de la police pour que son gendre fût relégué en Provence, au château de la Coste. Le marquis de Sade y transporta son train de vie, ses habitudes dépravées, ses odieux complices ; mais comme il sentait la nécessité d’imposer à ses vassaux une apparence de respect et de crainte, il continua tous ses débordemens sous un air de bonne compagnie, et voulut étouffer la voix réprobatrice de l’opinion au milieu du fracas de son luxe et de ses divertissemens. La noblesse des environs afflua long-temps aux fêtes de la Coste, où la véritable comtesse de Sade était parodiée par une aventurière, tandis qu’elle demeurait à Paris, confinée obscurément dans la maison maternelle, sans adresser à son mari d’autres reproches que celui d’une conduite chaste et régulière en opposition avec la sienne. L’héritier du nom de Sade, plongé dans le vice, ne parvenait pourtant pas à triompher d’un amour qui le consumait.

Mme de Sade, par le conseil de ses amis et de sa famille, se décida enfin à se rapprocher de l’époux qu’elle avait pris sans le connaître, et pour qui elle ne cessait d’implorer le ciel ; elle demanda au marquis la permission d’aller habiter le château de Saumane, qu’ils possédaient auprès de la fontaine de Vaucluse ; elle eut l’imprudence de lui dire qu’elle s’y rendrait avec sa sœur, récemment sortie du couvent. Le marquis de Sade apprit cette nouvelle comme la réalisation de sa plus chère espérance ; il applaudit perfidement au projet de sa femme, et promit d’aller la voir, aussitôt qu’elle serait à Saumane. Il lui tint parole : il était impatient de se retrouver vis-à-vis de sa belle-sœur, qui lui pa-