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leurs malades étaient plus malades quand ils avaient seulement aperçu le marquis de Sade ; que les fous étaient plus furieux, et les idiots plus idiots encore, et les forçats plus horribles que jamais quand ils avaient entendu le marquis de Sade. Le marquis jetait le poison dans l’âme de ces malheureux comme Mme  de Brinvilliers le jetait dans la tisane des hospices. Les médecins se plaignirent donc au ministre de l’intérieur de ce prisonnier qui gâtait tous leurs malades. Un de ces médecins était M. Royer Collard, qui écrivit à ce sujet un fort énergique et fort remarquable mémoire a M. de Moutalivet, dans lequel mémoire il est dit que lui, M. Royer Collard, ne répondait plus de la guérison d’aucun malade, si on ne mettait un terme à ce désordre. Il concluait à ce que M. de Sade fût enfermé dans une prison plus étroite. Mais le marquis avait des protecteurs puissans. Chaque jour c’étaient auprès du ministre des recommandations nouvelles, parties de Très-haut. J’ai vu même, qui le croirait ? plus d’une jolie petite lettre écrite par de jeunes et joties femmes du grand monde, qui demandaient tout simplement qu’on rendit la liberté à ce pauvre marquis. Ces jolies femmes ne sont déjà plus jeunes, elles ont peut-être appris depuis ce temps-là quel était leur protégé. Elles seraient bien malheureuses si elles se souvenaient qu’elles out prié pour lui.

On ne rendit pas la liberté au marquis de Sade, mais on le laissa lâché dans l’intérieur de Bicêtre. La congrégation avait pris cet homme en amitié, et elle ne le trouvait pas si coupable qu’on le disait bien. Il passa donc sa vie au milieu de cette population dont il faisait les délices. Il conserva jusqu’à la fin ses infantes habitudes ; jusqu’à son dernier jour, il écrivit les livres que vous savez, trouvant chaque jour de nouvelles combinaisons de meurtre, ce qui le rendait tout fier. On peut dire que l’imagination du marquis