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VISIONS DE L’INDE

dans le jardin de la reine qui a été tracé selon le modèle du parc délicieux où elle fut emprisonnée à Lanka. Fragile et de couleurs voyantes, elle dort sur une pelouse pareille à une étrange fleur fauchée. La suivante entre en célébrant le charme de la nature qui sourit autour d’elle.

— J’ai rêvé, dit Sita en se réveillant, que je nourrissais un enfant aux côtés de Rama.

— Cette vision sera bientôt une réalité, lui répond sa belle-sœur qui vient d’entrer. Mais Sita n’écoute plus :

— Où est mon époux ? s’écrie-t-elle ; il me semble que je suis exilée lorsqu’il n’est pas là.

Les femmes, même dans l’Inde, sont curieuses. La sœur de Rama tourmente Sita pour qu’elle lui décrive les traits de ce méchant Ravana qui la fit son esclave et qui avait dix têtes et vingt bras.

— Je n’ai jamais levé les yeux vers lui, répond la pudique femme : j’eus sans cesse les paupières baissées ; cette modestie m’obligea pourtant à le voir. Le jour où dans son char aérien, il me fit traverser l’Océan, comme je regardais la bleue profondeur, j’aperçus dans ce miroir mouvant la monstrueuse apparence.

L’amie insiste, questionneuse ; Sita trace sur le sable avec un roseau les traits gigantesques de l’ennemi. Fâcheuse complaisance ! L’épouse s’est