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VISIONS DE L’INDE

bruit ; c’est un souffle à peine perceptible, un susurrement, un sifflement doux, persistant, le langage d’une bête invisible, infâme… Je rallume ; tout se tait, je ne vois rien…

J’éteins encore ; la rumeur recommence… Mon angoisse devient intolérable. Je me rappelle qu’il arrive au cobra de s’enrouler aux poutres du plafond, puis, de se laisser tomber, presque sans bruit, sur la moustiquaire. De là, il se glisse dans la chaleur du lit. Me lever, dormir comme mon boy, sous la véranda, j’y pense ; mais les fièvres, dehors, me guettent, et les moustiques et d’autres bêtes encore… Je me résigne à laisser la flamme gardienne, à ne pas dormir jusqu’au matin…

D’ailleurs, le printemps est devenu torride ; peu à peu, la faune de l’Inde, éveillée de la torpeur hivernale, envahit les maisons des hommes. La tribu des moustiques occupe en nuage dense le tiers en hauteur de l’appartement. Cet orchestre en sourdine ne s’apaise jamais et bruit si monotonement que, les autres nuits, il ne m’empêchait pas de dormir. Des grenouilles chantent dans mon cabinet de toilette, des lézards traversent le plafond ; je me rappelle même qu’il y a deux jours un scorpion s’est glissé dans ma pantoufle…

Mais je n’avais pas encore respiré, en un aussi étroit espace, l’atmosphère du serpent.