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VISIONS DE L’INDE

eau trop riche et qui se corrompt. Là des prêtres, des pèlerins : hommes, femmes et enfants, venus de tous les coins de la péninsule, descendent les escaliers luisants d’usure et de fleurs écrasées, s’embourbent, croyant se purifier par cette boue vénérable.

Tout près un hangar, une vérandah plutôt, abrite ces voyageurs pieux. Il a été peint par des artistes sans doute modernes, mais en qui survit l’esthétique des ancêtres à la fois rusée et naïve, gauche et gracieuse. Je regarde se dérouler cette mythologie formidable et puérile en un cortège de dieux, danseurs, musiciens ou extatiques. Le prêtre, tremblant de fièvre, à l’haleine empoisonnée, m’a suivi. Il se doute, quoique abruti par sa vie vénale et malsaine, de mon dégoût pour la boucherie de tout à l’heure et la permanente obscénité.

« Voyez, me dit-il : le dieu Shiva (respect à lui !) dont vous savez la terrible puissance, est ici représenté en époux repentant et soumis, aux pieds de sa femme la déesse Parvâti « aux yeux de poisson ».

En effet, parmi ces fresques rutilantes où s’étalent les tumultes de la guerre, l’exubérance de la passion et des fêtes sacrées, cette peinture de délicate humanité étonne et attire. Je m’approche. — C’est bien réellement le dieu Shiva, dans cette pose im-