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VISIONS DE L’INDE

En effet, ceux qui pensent et aiment dans notre Occident brutal, pratique et desséché, ont tendu leur cerveau et leur cœur vers les jungles méditatives et vers les ruines d’âme plus encore que vers les ruines de marbre. Nous avons soif également d’idéal et de bonté ; Bouddha la Doctrine n’est rien sans Açoka, l’Acte. L’un complète l’autre. Tous deux s’achèvent dans une plus-value de l’homme et forment les assises « naturelles » de la religion. L’idéal inactif devient la chimère inattingible et menteuse qui épuise les forces, précipite au désenchantement et à l’égoïsme impuissant. La bonté, quand elle est héroïque, quand elle provient d’un effort et non d’une lassitude, c’est l’énergie renouvelée par son plus chaleureux exercice, la réverbération de l’idéal dans l’effort, la perfection qui s’approche, et que l’on n’étreint jamais pour la plus grande gloire de notre nature ; car mériter est plus beau qu’avoir reçu.

Aussi, moi dont la sensibilité chrétienne a souffert de l’orgie sanglante à Kali-Gath et s’est attristée aux désespérances irrévocables des solitaires de Bénarès se ruant au suicide spirituel, j’ai apaisé ma nostalgie d’errant, toujours déçu par les magnificences de la superstition ou de la guerre, devant ce symbole de miséricorde, la Colonne du Napoléon de la Paix.