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VISIONS DE L’INDE

Quelle différence entre Muttra et Bénarès ! Aux bords du Gange, c’était l’agonie de palais sombres et de redoutables pagodes. Ici, c’est de la vie animale et presque joyeuse. Au rebours de Shiva sale et morne, Vichnou s’annonce, amoureux de toute existence, souriant, propre et clair. Le phallus de ce dieu fécond pourtant, puisqu’il veille à la conservation de l’univers, ne s’exhibe pas, brutal et cruel, comme le lingham de Shiva. Partout oh mon regard se pose, sur ces corniches, ces chapiteaux, les fresques des galeries, je vois Vichnou se multiplier, avec ses quatre mains qui tiennent des attributs bienveillants.

Ce dieu conservateur appelle à lui, les marchands, les gens de ce monde, les créatures de Joie, comme cette Rada aux yeux d’esclarboucles. Tandis que j’avais senti, à Bénarès, la malédiction de Shiva hostile aux étrangers, ici je sens que me bénissent ces derniers rayons sans colère, les singes, dont la main s’agite on dirait pour une bienvenue, les musiques haletantes des pagodes et jusqu’à ces tortues gourmandes, filles de la rivière pacifique, jusqu’à cette Rada [complaisante dont le baiser, ce soir, m’apprendra les rites de Chrisna.