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VISIONS DE L’INDE

termes précis de Musset qui jurent un peu avec les troubles magnificences de l’Inde, « nu comme un mur d’église, nu comme le discours d’un académicien », ce qui s’appelle nu tout à fait, même sans pagne. Ses cheveux sont devenus, par suite des intempéries et de l’absence de peigne, des sortes de cordes jaunes. Il est maigre, obscène, avec des yeux étincelants. Sa peau noire est couverte de cendre. Cela veut dire qu’il a renoncé au monde et qu’il est disciple de Shiva.

Son feu à peu près éteint laisse monter jusqu’à ses narines une fumée épaisse. Des chiens dorment devant lui et le protègent, des chiens roux et laids, qu’on devine lépreux et méchants. Je m’approche ; les chiens grognent. Le charbon brillant de ses yeux me fixe derrière les cordes jaunes de la chevelure éparpillée sur le visage. Il m’ausculte du regard, puis il fait le signe de fumer et un geste de supplication.

Je lui jette deux païsses (deux sous de cuivre). Avec une pince de fer, l’ascète les retire soigneusement, sans un merci, de la cendre où ils sont tombés. Il les place sur un petit monticule de pierre. Mon cocher m’explique que ce solitaire est tellement saint qu’il ne parle plus ! Il daigne à peine employer le geste pour qu’on subvienne à ses besoins. Il reçoit les aumônes des passants et du