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VISIONS DE L’INDE

pare pour la nuit son lit de brouillards… des châles légers courent au-dessus des arbres, sur les palais ; autour de moi tourbillonnent les perruches, vertes comme les branches. Les corbeaux bleus s’éloignent, les vautours s’enfoncent comme des points sombres à l’horizon ; les exquis oiseaux chanteurs, les bêtes ailées innocentes restent seules auprès de moi et le Taj n’est plus qu’un grand nid blanc. Le ciel sur ma tête a la transparence d’un rêve de poète ; mais il s’épaissit, s’embourbe du côté de la terre, et surtout de la ville, comme triste d’être si bas. Le calme du jardin parfumé monte vers moi, avec la fraîcheur de ses nappes d’eau, devenues des lames d’ardoise transparentes. Les cyprès italiens qui longent les routes dallées ressemblent à des veuves immobiles ; les jets d’eau pleurent le départ de l’astre ; une reconnaissance complexe, sensuelle monte de la terre vers le ciel, pareille au soupir d’une femme brutalement aimée vers le visage enfin las de l’amant. Les oiseaux chantent, ils sont l’orchestre de l’amour ; car c’est de l’amour qui est répandu ici dans l’atmosphère et sur les choses. Ce magnifique paysage n’est qu’un boudoir, cette tombe est un lit… mais, ô prestige de l’Inde idéaliste ! les amants sont des morts dont la poussière elle-même n’est plus… Cependant, quand je traverse encore le jardin pour m’en aller, l’odeur