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VISIONS DE L’INDE

fastueux, me conte d’une voix émue les derniers moments de ce Sha-Jahan presque aussi grand qu’Akbar et qui fut l’époux de Mumtaz Mahal, l’ « Exaltée du Palais », la Dame du Taj… Justement de ce coin du palais, je distingue le merveilleux monument de mort et d’amour dont le dôme blanc se détache sur la pureté du ciel comme un grand sein nu d’amante.

« Sha-Jahan, dit le mufti, sentit que sa dernière heure venait. Alors il implora son fils, Aureng-Zeb, devenu son ennemi et son maître : « Je veux voir, vivant encore, le Taj, la place sainte où je reposerai près de ma Bien-Aimée. »

Comme son père redouté n’avait plus que le souffle, le fils ombrageux céda. On porta le vieux sultan sur une chaise de marbre jusqu’à cette fenêtre où nous sommes. Et il vit le Taj, et il pleura. »

L’après-midi tombant mettait des flammes roses sur le monument impassible, doux en effet comme une poitrine de femme. Les pleurs de Sha Jahan remémorés par mon ami le mufti me semblèrent, quoique séchés depuis des siècles, les plus belles pierreries de ces palais qui sont pourtant les plus précieux coffrets de l’Asie. Sha-Jahan pleura ! sa domination était tombée, mais son amour et sa gloire étaient immortels. Il avait accompli le devoir de l’homme, qui est d’exprimer sa vie en un acte