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VISIONS DE L’INDE

reurs silencieux ; le « Mahatma » m’avait expliqué les cimes, ces léopards révélaient la forêt. Ils passaient et repassaient à la queue leu leu, dociles au chef de file, qui s’était écarté de notre route, — la leur, et parfois ils bondissaient avec leur robe précieuse, gracieux et terribles malgré leur petite taille, emblèmes de la force, de la cruauté nécessaire et de la périlleuse beauté. Un peu de fierté me prit d’avoir croisé ces fauves ; ils m’avaient respecté. J’étais l’homme, — celui dont l’intelligence et le prestige valent mieux que les ongles et que les dents. Mon énergie recommença dans cette descente brusque, le long de ce casse-cou où mon Anglais me précipitait vers Naini-Tal. En bas, luisait comme un lambeau de soie, près des toits d’ardoise, le lac charmant, plus redoutable que les bêtes, et je resongeai à cette clameur lugubre qui, la nuit passée, m’avait épouvanté.


XI

Le couple noyé.

Quand nous fûmes aux premières maisons du village, j’entraînai avec moi au bord de l’eau mon compagnon ; je ne pris pas la précaution de changer