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VISIONS DE L’INDE

provocante et sauvage, les lèvres tombèrent en plis de désenchantement. Une fumée se levait épaisse de petit tas de branches.

I am dark, dit-il (je suis noir, je suis sombre).

Parlait-il de sa peau ou de son âme ? Puis il sourit. Il prit un fruit et me le donna.

— L’Inde vous sera douce, reprit-il, ne craignez rien. Même malade, vous n’y mourrez pas.

Et il leva la main pour me bénir, puis il me congédia d’un geste.

Je m’écartai, les jambes faibles. De nouveau l’éminence du rocher le cacha. J’allai vers l’ingénieur. Il sommeillait encore. Je rebroussai chemin. Un irrésistible attrait me reconduisait vers le solitaire.

Une minute à peine s’était écoulée dans ce va-et-vient…

Il n’était plus là…

Je regardai de tout côté. Devant moi, l’abîme. Derrière, la solitude. Comment avait-il pu s’enfuir, échapper ? Nulle voie possible, nul chemin, que mes yeux ne puissent sonder. Le rocher cependant n’avait pu s’entr’ouvrir. Ce Mahatma était-il doué, comme le contait gravement Bharamb, du don d’invisibilité ? Avais-je fait tout éveillé un rêve ? Non, puisque les cendres étaient là, bien éteintes, cette fois ; sur le trident saignait toujours la guir-

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