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VISIONS DE L’INDE

dans les prunelles des serpents, la tête intelligente, les jambes grêles, le corps jaune-brun. Et ils ne cessent de sucer ces lioukas sombres où le tabac indien, imprégné de sucre fondu et d’eau de rose, répand cette inqualifiable odeur qui, au lieu d’exciter comme la senteur des bazars arabes, endort et enivre, donne le goût de dormir toujours… Des Parsis aux bonnets brillants vont à leurs affaires en costumes quasi européens, des brahmanes délicats ouvrent, au-dessus de leur tête nue, une ombrelle blanche. Les « babous », bourgeois ventrus, avec leur mousseline roulée en écharpe de l’épaule à la taille, prennent presque autant de place que les voitures, tandis que les voitures, elles, sont minces, frêles, exiguës comme de hauts insectes bondissants.

Sur un plateau de bois que portent deux roues élevées, plane une étoffe voltigeante ; là où un Européen seul aurait peine à tenir, se pressent des familles entières, plus le cocher. Celui-ci tient sur la queue de son cheval, les clients s’entassent, les uns cramponnés aux bâtons de la tente, les autres presque sur les roues. C’est un prodige comique d’équilibre.

Noire boarding-house est plein de misses anglaises qui voyagent seules et de commerçants américains. Pas de portes, des tentures ; pour ainsi