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VISIONS DE L’INDE

le bruit mat de fruits desséchés, de pendeloques noires. Sur sa tête, ainsi que sur la tête d’un homme, se pavanait un turban sali et déteint, d’où fuyaient des mèches d’une indéfinissable couleur. De loin je les pris pour des cordes. Un poète aurait cru y voir les serpents de la face de Méduse. Mais c’était bien réellement des cheveux. D’abord bruns, ils avaient été décolorés par les pluies, jaunis par le soleil ; la poussière des routes enfin les avait imprégnés de sa cendre grise. La vieille m’adressait, à moi l’étranger, des imprécations. Et ses yeux luisaient de l’éclat artificiel des moires ou de ces paillettes qui, brèves, scintillent sur l’eau. J’en détournai mon regard comme d’un piège hypnotique. Ce miroitement malsain faisait souffrir, dénonçant un organisme consumé de fureur et d’hystérie.

— C’est la sainte de Naïni-Tal, prononça Bharamb avec respect, elle voit les idoles, elle prophétise.

Et, comme je ne pouvais cacher mon dégoût, il ajouta gravement :

— Jamais une parole n’est tombée de sa bouche en vain !

… Je m’avançai vers les deux idoles. Les portes des minuscules pagodes ouvertes à l’adoration décelaient Naina-Devi et Nanda-Devi, petites et noires, avec des yeux immenses, rouges, de folles, d’ogresses. Poupées précieuses et envoûtantes sous