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VISIONS DE L’INDE

contre-bas d’un large cirque vide, où la garnison anglaise a installé son jeu de polo… Toujours, là comme ailleurs, la juxtaposition des deux vies qui ne se mêlent jamais, la vie britannique, la vie indigène, l’exercice violent et la rêverie… C’est comme un accord entre les maîtres et les vaincus, qui vivent les uns à côté des autres, tout en se méprisant du fond du cœur.

Mon cheval longe l’eau merveilleuse, qui me trouble comme un miroir où se seraient regardés longtemps des fantômes ; de tous côtés, les fiers monuments européens envahissent les hauteurs, écoles, églises, temples, villas, châteaux… Les hôtels sont clos encore ; tant mieux ; le paysage en sera plus pur.

Je croise deux « dundees ». On donne ce nom à des brancards douillets, où sont étendus des voyageurs, la tête sur des coussins, et que portent des indigènes. Sur l’un sourit une jeune femme, une Irlandaise sans doute, avec un teint de rose du Nord, des cheveux blonds comme ceux des fées ; presque le long d’elle, dans l’autre dundee, s’accoude un Anglais trop grand, pâle, sans doute atteint des fièvres, et qui est venu se guérir dans les montagnes.

Les épaules des coolies les balancent, mollement, les rapprochent comme s’ils étaient dans le