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VISIONS DE L’INDE

lagé comme pour contenir des bêtes. « Natives females », est-il écrit brutalement. Sont-ce, en effet, des femmes, ces malheureuses nouées de foulards étincelants, tremblantes, égarées, dont le cerveau est plus obscur que la nuit et que leur face salie de signes diaboliques ?…

Rozian a transbordé mon lit dans le wagon qui va me mettre au pied des plus hautes montagnes du monde. Je suis emporté par un train à voie étroite, un train-bébé. Je me recouche encore, car je n’ai pas quitté mon « pedjama ». Ce vêtement de nuit, pratique et correct, essentiellement britannique, qui vous déshabille et vous habille à la fois, est en quelque sorte une chemise de nuit découpée en un veston ample et un pantalon lâche. J’obtiens de garder mon boy dans un compartiment voisin. Je m’enveloppe dans les couvertures dont le tissu, par hygiène, çà et là, laisse passer l’air. Pour la première fois, dans l’Inde, j’ai froid. Mon sommeil est malsain. Tout à coup je m’éveille. Je fais tomber un volet et une vitre pourvoir. Devant moi, un mur de lianes enchevêtrées et confuses, la nuit du ciel est sans étoiles, les ténèbres de la terre sont opaques. Nous coupons une jungle. Et alors un bruit étrange déchire ces noires épaisseurs, une clameur déjà entendue, certes, mais qui me paraît neuve, tant elle est vivante ; c’est un rugissement. Il n’est pas