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VISIONS DE L’INDE

Je comprends mal ses contes, dont le récit s’embrouille ; on dirait, dans la cage de son cerveau superstitieux et léger, que les idées chantent, en désaccord et froufroutant des ailes, comme des bengalis. Mais quand nous nous arrêtons, devant des piliers énormes inachevés et que le Gange enveloppe, au pied d’un ghât magnifique aux escaliers démontés par quelque secousse terrienne, les idées-volière du petit brahmane taisent leur jacassement pour un hymne mystique au Dieu Shiva :


— Vous voyez, sâb (Seigneur), ce palais rompu, ces colonnes incomplètes et noyées… un rajah voulut élever ici un monument immortel. Or un sanyasi était accroupi depuis plusieurs années sur une pierre de la rive, montant les degrés intérieurs de Samadhi, que vous appelez l’Extase. Le rajah lui dit : « Saint, lève-toi, va méditer sous la porte d’un temple, j’ai besoin de cet emplacement. — Pourquoi me troubles-tu, ô roi ? répondit le sanyasi, les prunelles révulsées toujours et parlant d’une voix fantômale, comme en rêve. — Je veux laisser un témoignage marmoréen de ma gloire près du Gange divin. » Et les ouvriers chassèrent le mendiant. Alors celui-ci se leva sur ses pieds immobiles depuis tant d’années. — « Tu as insulté par ton vain orgueil, ô Roi, s’écria-t-il, le Dieu