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VISIONS DE L’INDE

débile qui accompagne les convalescences et qui seule, chez un observateur, peut évoquer par comparaison les frétillements las de ce carnaval hindou.

Ils s’enfoncent jusqu’à mi-corps dans cette eau gris-verte, comme lamée de décomposition ; ils y tordent leurs linges, y frottent leurs enfants qui résistent faiblement et avec gentillesse. En ces membres émasculés, règne l’anémie gracieuse, réservée aux végétariens et aux Asiatiques. Les marchands se reconnaissent à leurs ventres énormes, signe d’opulence ; les brahmanes, à un cordon sacré agrémenté parfois d’amulettes, à la mèche unique, qui retombe de leur tête rasée, dans le dos. Des sanyasis, terribles, hagards, les cheveux pareils à des broussailles méchantes, méditent tout nus, sur quelque tréteau installé dans le fleuve, — île improvisée de Robinson extatique, — depuis plusieurs jours peut-être, ne vivant que des bouffées de leur pipe et de graines.

Les pèlerins ont installé des tentes de zinc contre les murailles écroulées. Le Manikarnika-Ghât est le quai sacré le plus touffu en temples, en terrasses, en population. Là s’entassent plus nombreux ces parasols en paille tressée, qui dressent sur les débris des édicules, où l’eau rongeante pénètre, une végétation de larges champignons gris.