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ou retranchent ce qui luy est contraire, pour fuppléer à la refistance & au defaut quils pensent eftre en la conception d’autruy Ainsi estiment ils œuvre de charité de perfuader ce qu’ils crojent, voire mesme font confcience de rendre ce qu’ on leur a prefté fans ufure & accession de leur creu ; tantost grossiẞant leur suject par extension & amplification de quelque apparente vérité ; tantost le diminuans par l’exponction de quelque fausseté ou superfluité presumée.

Il y en a encore d’autres plus industrieux, mais politiques & plus corrompus, lesquels pour donner cours a leurs opinions & desseins prennent la licence de trier de deux rapports celuy qui eft le plus vray femblable : Produisent seulement les choses qui doiuent a leur aduis eftre sceües, & en cachent d’autres qui à l’aduenture nous inftruiroient mieux : Ohmettent ou font passer pour choses incroyables celles qui leur desplaisent ou qu’ils n’entendent pas, & releuent par leurs discours celles qui leur rient & semblent plausibles. Et après ces racourciffemens d’hiftoires & ce choix qu’ils ont fait fur le corps de la matière, ils contournent d’abondant a leur dessein. par la forme qu’ils y apportent, le iugement des euenemens : & de là s’auancent a discourir de la condition & des humeurs des peuples & des Princes dont ils concluent & forment leurs conseils ; leurs attrihuans s’ils les veulent gratifier des qualitez imaginaires, & les deffendans ouvertement des imperfections dont ils font entachez. Ainsi se donnent loy de regler noftre croyance à la leur, & incliner l’hiftoire à leur fantaisie, falsifians & defigurans entièrement la verité qui y doit reluire comme estans la pépinière des bonnes sçiences.

Les autres qui n’ont pour but que le plaisir des Lecteurs, sont ces vains Escriuains de Romans, trafiqueurs de vent & de fumée de gloire, qui seruent de bouffons aux gensde lettres, ioüans la farce fur le Theatre des Muses, apres que les plus nobles & folides fciences y ont paru pour remplir leur efprit de choses serieuses. Mais combien nous corrompent-ils de belles & fructueuses histoires par leurs plaifanteries, & fardez artifices ? Tout ainsi que les femmes employent des dents d’yvoire où les leurs naturelles leur manquent, comme elles forment à leur corps maigre

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