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ÉPICURE.

tent encore la question de l’existence d’états neutres. Sans doute au point de vue théorique cela ne fait pas difficulté : si l’on admet que les plaisirs et les douleurs forment comme une échelle, en la remontant ou en la descendant nous devons nécessairement passer par le point zéro ; mais il ne sert de rien de raisonner dans l’abstrait ; il s’agit de faits réels sur lesquels l’expérience ne donne point de réponse suffisamment claire et décisive. Selon l’heureuse expression de M. Guyau, le sage épicurien ne se réjouit pas, il jouit.

Notre philosophe se laisse même entraîner à des affirmations qui paraissent singulièrement paradoxales : « Si la douleur est violente, dit-il, elle dure peu ; si elle se prolonge, elle produit l’engourdissement, l’insensibilité ou bien elle ne manque pas d’apporter certains plaisirs que nous ne connaîtrions pas sans elle ; dans tous les cas, l’accoutumance nous la rend supportable » : Tuy-ca àTwyvi^wv sOîtaTacppovviTo ;, v) yàp cuvtovov e^ouca to xovoGv (7uvT0(JL0v eyzi tov ^(^pdvov, v) Se ^(^povt^ouca’irepl tviv capxa àêV/iypov £^£t TOV 7 : ovov Il y a là une double antithèse évidemment recherchée, guvtovov et cuvTopv, )ç^povov et xovov. L’optimisme d’Épicure ne se laisse

1. H. UsENER et M. GoMPERZj Epikurisc/ie Spruchsammelung entdecket undmitgetheilt Yon D. K. Wotke (H. Weill, Journal des Savants, novembre 1888).