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GALERIE DES FEMMES

baisers), et même lorsqu’elle est injuste ; car vous ressemblez à ces tyrans qui punissent dans autrui leurs propres forfaits. Vous vous en prenez à mes yeux de ce qu’ils trahissent le feu que vous allumez dans mon sein. » Pour le commun des amants, un baiser est une chose toute simple, à laquelle on accorde à peine le nom de caresse. Autorisons-nous de l’exemple que nous avons sous les yeux pour détromper ces âmes grossières, et proclamer la prééminence de cette faveur divine, dont l’Amour déroba le secret aux colombes de sa mère.

Les yeux, pour ainsi dire, attachés dans les yeux, les lèvres croisées sur les lèvres, ils trouvent dans un seul baiser une source intarissable de jouissances toujours vives et nouvelles. D’abord leurs bouches s’approchent ; elles ne se touchent pas encore, et déjà l’haleine caressante se joue sur les roses ; elles se joignent, s’assemblent, se pressent ; la plus entière adhésion les unit ; les soupirs se croisent, se confondent ; toute l’existence se concentre sur les lèvres, et l’âme va se perdre au sein