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GALERIE DES FEMMES

Achevons en peu de mots un récit qui n’est plus que celui de mes infortunes.

Il y avait quatre ans que j’étais le plus heureux des hommes, lorsque la mort nous enleva le père de Sophie. Ce mortel vénérable termina dans les bras de ses enfants sa longue et mémorable carrière, n’emportant au tombeau d’autre regret que le pressentiment qu’il y serait bientôt suivi par sa fille. Peu s’en fallut que la douleur ne vérifiât sur-le-champ sa prédiction. L’amour seul eût été trop faible contre le désespoir de Sophie ; mais la nature avait dans son sein un plus éloquent défenseur. Dans l’espoir d’être bientôt mère, elle puisa des forces pour supporter sa perte. Hélas ! la source de mes consolations devait être celle de mon infortune, et il m’était réservé de contempler en même temps le berceau de ma fille et le cercueil de sa mère. Ah ! si j’osais rappeler à ma mémoire cette épouvantable époque de ma vie, si mon imagination effrayée se reportait autour du lit funèbre où j’ai vu le plus parfait ouvrage de la nature en proie