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GALERIE DES FEMMES

Minuit sonna. Sophie, pâle et chancelante, se retira ; mon cœur tressaillit. Resté seul avec M. de Clénord, nous gardâmes un moment le silence ; il le rompit par ces mots : « Édouard, rendez ma Sophie bien heureuse. » Et me prenant par la main : « Venez, dit-il en souriant et laissant tomber une larme, vous ne pouvez manquer de trouver votre route : deux aveugles vous conduisent ! » Je le suivis : mes genoux me portaient à peine. Nous montâmes, et le vieillard, après m’avoir pressé contre son cœur, me laissa seul à la porte de la chambre de Sophie. J’y restai quelque temps immobile, la poitrine oppressée. Enfin, je prends courage, je porte une main tremblante sur la clef, j’ouvre, et j’entre d’un pas mal assuré. Tout mon corps tremblait ; un nuage obscurcissait mes yeux. J’aperçois Sophie à moitié évanouie sur un fauteuil : je me précipite à ses pieds. J’y veux en vain recueillir mes esprits : ma tête n’avait plus d’idée, ma bouche ne pouvait s’exprimer que par des soupirs. Enfin, je me hasarde, et j’ose lever les yeux sur la divinité,