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GALERIE DES FEMMES

on doit moins au bienfaiteur qui nous conserve l’existence qu’à l’amant, qu’à l’ami qui nous la rend précieuse. Vous aviez vu Sophie, vous deviez l’aimer, et la première fois que votre voix frappa mon oreille, je crus reconnaître en vous celui que la nature avait créé pour elle. Mon espoir n’a pas été trompé. J’ai vu se développer dans vos cœurs cette flamme à la durée de laquelle est attachée toute la félicité humaine ; j’ai suivi les progrès de cet amour dont seuls sur la terre vous offrez peut-être l’exemple, de cet amour à qui seul appartient le miracle que je viens faire cesser aujourd’hui. Ce miracle, mes enfants, c’est celui d’avoir concilié pendant un an l’amour, la liberté et l’innocence. Je suis bien instruit, comme vous voyez. Maintenant, redoublez d’attention, ajouta-t-il avec un sourire ; car tout l’intérêt de ma harangue est dans la péroraison. Vous savez mon histoire, mes enfants ; j’ai le bonheur d’être père, père de Sophie ! et je ne fus jamais époux ; jamais je n’ai voulu former ces nœuds politiques que l’ordre social rend peut-être nécessaires, mais