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GALERIE DES FEMMES

rurale. Nous rentrions à la nuit, et une lecture intéressante nous conduisait à l’heure où nous nous séparions avec peine pour aller prendre quelques heures de repos, heureux de nous endormir avec la douce certitude de parcourir le lendemain le cercle de la veille !

Je puis, en peu de mots, donner une idée du bonheur dont je jouissais, en disant que, brûlé de tous les feux de l’amour, sans cesse et presque toujours sans témoins auprès de Sophie, je n’osais concevoir une félicité au-dessus de celle de la voir, de l’entendre, de l’aimer, d’en être aimé. Dans l’ardeur des désirs, je craignais de m’élever jusqu’à sa possession ; ce vœu me semblait sacrilége, et mon âme fléchissait sous le poids des voluptés célestes dont elle entrevoyait l’image.

Un jour (c’était le 18 de mai de l’année 17.., — en perdant la mémoire et la vie, se pourrait-il que j’oubliasse cette date !), nous nous étions levés avec l’aurore, et nous nous disposions à sortir ; mais, à notre grand étonnement, on vint nous dire que M. de Clénord nous attendait