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GALERIE DES FEMMES

ne fus pas le maître de contenir l’exclamation qui m’échappa en reconnaissant dans le père de Sophie un homme célèbre, que je croyais, avec toute la France, mort depuis plusieurs années. Je ne me permettrai pas de révéler les secrets dont il me rendit dépositaire, et de restituer à son histoire le feuillet qu’il en a déchiré ; je me contenterai de citer les derniers mots par lesquels il termina son récit…

« Pour échapper aux inconvénients attachés à la célébrité de mon nom, continua-t-il, après avoir réglé mes affaires et réalisé le reste de ma fortune, je fis courir le bruit de ma mort, et, sous un nom emprunté, je vins, avec ma fille et deux domestiques bien fidèles, m’établir dans cette retraite, où je vécus cinq ans le plus fortuné des hommes. Mon bonheur était trop parfait. Tous les jours je voyais ma petite Sophie croître en âge, en beauté, en talents, en vertus ; rien ne manquait à ma félicité. Une triste circonstance vint en altérer la douceur : je perdis la vue ; je fus longtemps à m’accoutumer à l’idée de ne plus voir l’objet de mon