Pendant que je parlais, mon geste n’était pas moins éloquent que mon discours, et je m’apercevais avec plaisir qu’il accélérait la persuasion. Nous disputâmes quelque temps, et pour dernière réponse à ma docte amie, qui argumentait de son mieux contre l’amour, je le lui prouvai par le fait. « Il faut bien convenir de tout ce que vous voulez, mon ami, reprit-elle en approchant sa belle bouche, et je vois bien que j’ai mal pris mon temps pour disputer contre l’évidence, contre vous et contre mon propre cœur. » Ces derniers mots furent apportés sur mes lèvres, que les siennes pressèrent avec ardeur. « Ah ! quel baiser ! s’écria-t-elle ; c’est ainsi qu’Horace en donnait à Lalagé, Catulle à Lesbie, Julie à Saint-Preux ! » Il fallut, avant de passer outre, épuiser notre érudition commune sur le chapitre des baisers ; commenter ceux de Jean Second, critiquer ceux de Dorat. La discussion m’ennuya d’autant moins que l’exemple, joint au précepte, y répandait tout l’intérêt dont elle est susceptible. Cette matière épuisée, nous procédâmes à l’examen