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doux, de guitares, de jarretières de mariée, de romances, de filles déguisées en garçon, d’épingles à cheveux, de cols et de bras nus, de mantilles et de bergères décoiffées et chiffonnées, mêlés à l’odor di femina, ce parfum lourd de boudoir fleurant l’iris et la violette qui porte si fort aux narines de l’adolescence — tout cet attirail et ce mobilier de la volupté qui conduisent cet âge à la contemplation méditative et sournoise de gravures dites licencieuses qui ornent en général le cabinet d’un oncle énigmatique, et célibataire.

Et les Liaisons dangereuses, et les Confessions de Jean-Jacques, cet autre adolescent voleur de rubans, et la lecture bien plus clandestine encore de certaines œuvres de Crébillon fils, me firent inconsciemment placer les pièces de Beaumarchais dans la littérature galante.

Quelque temps plus tard, en classe de troisième, on me fit faire connaissance d’un autre Beaumarchais. Notre professeur, un charmant homme, qui avait été le collègue de Verlaine à Rethel, nous parlait à la fois avec compassion de Verlaine et avec une passion immodérée d’Augustin Caron de Beaumarchais. Il nous lisait et relisait à tout propos le célèbre monologue de Figaro au cinquième acte du Mariage.

« Ô Femme, femme, femme, créature faible et décevante, nul animal créé ne peut manquer à son instinct, le tien est-il donc de tromper ? » s’écriait-il tantôt avec un accent d’amertume, tantôt avec un petit rire grivois.