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vende ou la brindille qui servira à son nid.

Il faudrait plus de place qu’il n’en est mesuré ici pour faire une étude et une critique juste et complète de ces trois corps constitués, pour montrer entre eux le manque total de lien et de liaison, pour expliquer comment chacun travaille obligatoirement dans un sentiment de défense, comment la force des choses a créé l’égoïsme des partis, et que la passion pour la chose théâtrale est aujourd’hui parmi eux morte, ou plutôt inutilisée.

N’est-ce pas peut-être à cette destruction du sens de la corporation, à l’absence de confraternité et de solidarité, à l’oubli de l’affection professionnelle, à la mort de la passion pour la chose théâtrale, que l’on doit imputer le sentiment de malaise et de crise qui nous fait prendre pour un mal véritable les vicissitudes de notre métier ?

Ce qu’il faudrait envisager, ce sont les intérêts professionnels véritables, ceux qui font du théâtre une carrière et non un métier, un édifice public et non une boutique, et qui placent notre profession dans la cité et dans l’État : c’est le théâtre considéré dans ses nécessités techniques, urbaines et nationales. Ces trois adjectifs suffisent à l’établissement d’un programme.

Ce que j’ai dit n’est pas le résultat de longues investigations, mais plutôt de cette pensée en action qu’est l’exercice quotidien d’une profession. L’état de choses actuel n’est pas à critiquer ; il faut l’admettre par raison, par hygiène sociale, par discipline. Mais si