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ler sévèrement ses devoirs, c’est-à-dire le plaisir, le goût, la vocation, l’amour de son métier.

L’État théâtral est devenu une champignonnière de syndicats.

Dans aucun de ces groupes il n’y a de préoccupation vraie du métier, et la notion professionnelle dépouillée de ce qu’elle a de plus noble, noyée dans une série de revendications et de buts particuliers, atteint la plénitude de son expression avec la plus entière bonne foi, dans une série de réclamations sordides.

Or, par une étrange ironie, le statut essentiel de chacun de ces organismes, je veux dire de tous, pourrait ainsi s’énoncer :

1o Renouer les liens de solidarité et de fraternité ;

2o Faciliter l’exercice de la profession ;

3o Soutenir et défendre les intérêts matériels et moraux de ses membres.

Pas une clause cependant qui ne menace quelqu’un, qui ne vise un autre groupement en cherchant à contrarier sa force ou à modérer son action ; chacun retranché férocement dans ses intérêts, on n’aperçoit plus qu’une forêt de défense, un maquis d’embûches, un hérissement de protection entre gens de même métier, c’est-à-dire dans une « association entre personnes qui exercent une même profession et qui ont des devoirs et des privilèges communs ». La définition de la corporation arrive à exprimer et à dire catégoriquement le contraire de ce qu’elle devrait être.

Trois d’entre ces groupements dominent naturelle-