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toire des mœurs, des idées et des faits périt ainsi chaque jour. C’est en vain que l’enfant interroge le père sur les vieux temps ; celui-ci n’a rien recueilli ; on n’a rien recueilli pour lui ; il ne vit plus que de son présent et ses ancêtres ne lui sont que des ombres étrangères. Et ici je parle moins des villageois que des habitants des villes qui voient et entendent plus de choses et peuvent facilement prendre la plume. S’il existe des manuscrits, quelle main pieuse les a reçus ou sait les mettre en lumière ? Si des livres sont faits, qui s’en intéresse en dehors des amis de l’auteur ? Combien peu ont lu, par exemple, l’excellente Histoire de Saint-Dié, par Gravier. La presse locale lutte elle-même avec peine contre une insouciance coupable. L’esprit du groupement, de l’association, des efforts communs a été dénaturé ou n’a pas été compris.

Ah ! qu’on n’accuse pas les Vosges de ne rien produire. Nous avons eu nos chroniqueurs et nos annalistes ; nous avons eu nos trouvères et nos conteurs, aussi bien que nos voisins de la Bourgogne ou de la Champagne. Cela ne peut être mis en doute. Un poëme du 13e siècle, où divers poètes sont énumérés, nous en révèle deux jusqu’alors inconnus,

De Neuville Josiasmes li floris,
Et d’Espinal Goderons et Landris.

M. Littré qui nous fournit cette citation nous ferait ainsi connaître trois poètes vosgiens, si le Neuville de ces vers est celui des Vosges :