n’avons pas tout dit sur la formation du vocabulaire de notre patois, et d’un autre côté il nous semble important d’en donner au plus tôt les caractères lexicographiques (c’est-à-dire la prononciation, les lois de la composition et des transformations qu’il subit en s’éloignant de son origine), afin de mieux faire saisir les rapports qu’il a avec les différents idiomes auxquels nous pourrons les comparer plus tard.
Le paysan, ou l’ouvrier, tout illettré qu’il est, sait, comme l’homme primitif et comme nous le voyons dans l’enfant même, créer les mots qui manquent à l’expression de sa pensée ; il les puise dans la nature et dans ses propres sentiments ; il a ses onomatopées et ses métaphores ; il construit enfin de nouveaux termes à l’aide d’éléments usuels, et ses mots sont toujours en rapport avec ses idées.
Parmi les onomatopées[1] de notre patois, la plus belle et la plus touchante que nous connaissions est celle du mot paurome, forme rustique de pauvre homme. Paurome signifie grenouille, et ce n’est certainement que dans les campagnes qu’il a pu être créé. Écoutez, un soir d’été, ce concert étrange qui, formé de deux syllabes seulement, s’élève des plaines, des ruisseaux et des marais : Paurome ! Paurome ! Comment se fait-il
- ↑ On appelle onomatopée la figure qui consiste à former un mot par l’imitation du bruit, du son, du cri que fait entendre l’objet qu’on veut désigner : croâ, corbeau, d’où croasser ; cricri, grillon, etc.