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La Lorraine toutefois cesse peu à peu d’être allemande ; mais l’Alsace qui faisait partie de la Souabe, devait, par sa proximité avec la Haute-Lorraine et par l’attrait puissant des intérêts commerciaux sur les bords du Rhin, établir des relations suivies avec ses voisins d’au-delà des monts et transmettre dans leur langage un grand nombre de mots et ces aspirations, ces con­sonnes quelquefois si dures du vieil idiome de la haute Allemagne. De là un deuxième courant pour ainsi dire continu, souvent réciproque, qui recule aujourd’hui devant le flot puissant de l’unité française.

Ces deux influences dont l’une est primitive et n’est due qu’à la constitution de la conquête barbare, mais s’est arrêtée au 10e siècle, dont l’autre est toute de voisinage et n’a cessé de se faire sentir, l’histoire nous les indique sans doute ; mais peut-on les déterminer d’une ma­nière positive à l’aide de notre patois ? Nous le croyons. La comparaison du langage de nos vieux romanciers avec nos patois, étude plus intéressante qu’on ne se l’imagine, démontre pour ainsi dire à priori l’antériorité de l’idiome rustique sur la langue de nos trouvères, incom­préhensible aujourd’hui pour ceux qui ne l’ont pas étudiée. Beaucoup de mots germaniques, usités dans l’ancien français et qui ont disparu depuis plusieurs siècles dans la langue vulgaire, ont été conservés dans les patois et nous indiquent la trace originelle qu’a laissée la race teutonique (Francs, Bourguignons, Normands), race im-