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du peuple, ni de jeter quelque lustre littéraire sur un département qui est loin d’être insensible au charme des lettres[1], mais qui a plus particulièrement brillé par son ardeur patriotique et guerrière, par son goût pour les arts utiles et par son amour du travail. Je ne me dissimule pas la valeur de nos rustiques chansons qui n’arrêteront qu’un moment le lecteur curieux ; je sais que je n’apporte que des matériaux insuffisants et incomplets pour l’histoire de l’esprit populaire des Français. S’ils ne peuvent servir à l’érection de ce monument national, ils resteront du moins, pour les générations futures, comme un témoignage de ce que furent nos ancêtres. Ce n’est pas un cancionero vosgien que je présente ici. C’en est un premier essai, si l’on veut, car je suis loin d’avoir épuisé la matière et porté mes investigations sur tout le département.

Du reste, j’ai restreint cette étude, je dois le lire, au domaine particulier des chansons composées dans divers dialectes rustiques des Vosges, afin de mieux saisir l’esprit des campagnards. Les chants populaires de langue française, qui se répètent dans tout notre département, appartiennent au fond commun de la France ; on les retrouve, avec des variantes plus ou moins éloignées d’un texte primitif, dans presque toutes nos provinces et même au delà de nos frontières. Ils sont l’écho des pensées et des mœurs du moyen-âge, et les chercheurs de légendes y trouvent encore parfois à glaner. Ce n’est pas un produit du sol vosgien ; c’est un fruit étranger, d’une importation plus ou moins lointaine. Ce n’est pas à augmenter directement ce précieux trésor que j’ai travaillé ; j’ai exclu de ce recueil les chants français déjà connus et souvent reproduits. Le caractère, les idées, l’esprit, les usages des campagnards vosgiens, voilà ce que je me suis plu à rechercher ; ce sont leurs sentiments, si grossiers qu’ils fussent, que j’ai voulu prendre sur le fait.

  1. Les Vosges ont produit des poëtes remarquables. Citons parmi les plus connus Gilbert, Pellet, le barde des Vosges, et Grandsard, l’auteur de L’année maudite.