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SÉNATUS-CONSULTE sur l’état des Personnes et la Naturalisation en Algérie. (Bull. off. 1315, n° 13, 504.)

(14 Juill. 1865) — (Promulg. le 21.)

Article premier. L’indigène musulman est français, néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane.

Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie.

Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France.

Article 2. L'indigène israélite est français, néanmoins il continue à être régi par son statut personnel.

Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie.

Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyens français ; dans ce cas, il est régi par la loi française.

Article 3. L'étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de citoyen français.

Article 4. La qualité de citoyen français ne peut être obtenue, conformément aux articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte, qu'à l'âge de vingt et un ans accomplis ; elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil d'État.

Article 5. Un règlement d'administration publique déterminera :

les conditions d'admission de service et d'avancement des indigènes musulmans et des indigènes israélites dans les armées de terre et de mer ;

les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes musulmans et les indigènes israélites peuvent être nommés en Algérie ;

les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte.


(1) Voici le rapport fait au Sénat par M. Delanglo, dans la séance du 30 juin 1865, sur le projet de sé natus— consulte présenté par le Gouvernement : Messieurs, le Sénat a reçu du Gouvernement un projet de sénatus — consulte dont l’objet est de régler l’état des personnes en Algérie, et de déterminer à quelles conditions les étrangers y pourront acquérir la natura lisation.

Aur termes du premier article de ce sénatus-consulte, l’indigène musulman est Français. Il continue néanmoins à être régi par la loi musulmane. Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer ; il peut être nommé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France. L’article 2 applique à l’indigène israélite des dispo sitions identiques.

Selon l’article 3, l’étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de citoyen français.

L’article 4 détermine l’âge auquel peut être oblenge la qualité de citoyen et sous quelle forme elle est coa férée.

Enfin un dernier article, l’article 8, dispose qu’un règlement d’administration publique réglera : 10 Les conditions d’admission, de service et d’avan cement des indigènes musulmans et israélites dans les armées de terre et de mer ;

2° Les fonctions et emplois civils auxquels les indi gènes musulmans et israélites pourront être nommés en Algérie ;

3 ° Les formes dans lesquelles seront instruites les demandes prévues par les trois premières dispositions dont nous avons rappelé le texte.

Ces dispositions sont-elles prudentes autant que libé rales ? Est-il de l’intérêt de la France et de la colonie elle-même que la qualité de Français soit conférée aux indigènes israéliles et musulmans et qu’ils soient appe lés à la jouissance immédiate des droits civils ? Est-il conforme aux notions d’une saine politique et à la dignité de la France d’ouvrir aux Algériens les rangs des ci toyens ?

Les fails et l’utilité pratique justifient— ils les modif cations apportées en faveur des élrangers résidant en Algérie aux principes qui règlent en France la natura lisation ?

Le Gouvernement, enfin, a — t— il pris les précautions pour que le bienfait n’excède point la juste mesure et qu’il n’en résulte aucune perturbation des lois qui lou chent à la morale publique, aucune diminution des droits acquis aur nationaux, pour que l’accession de nouveaux citoyens ne soit pour la patrie qu’un nouvel élément de force et de puissance ?

Telles sont les questions que soulève la loi qui vous est proposée. LaCommission les a soigneusement exami nées ; elle en a pesé mûrement les résultats et dans le présent et dans l’avenir ; et je viens, en son nom, vous exposer les raisons qui l’ont déterminée à donner à l’euvre du Gouvernement un plein assentiment. dirigerent la première expédition et en recueillirent les premiers fruits.

Ce qu’on ferait du territoire conquis, si on le garde rait, ou si, après avoir tiré des pirales de la régence one éclatante revanche, on l’abandonnerait, ce problème était indécis.

Par un sentiment de générosité exagéré peut— être, et qui devait, selon le parti qu’on adopterait, créer do grands embarras, le vainqueur avait déclaré spontanément et sans qu’aucune nécessité de guerre l’y contraignit, , que non-seulement l’exercice de la religion mahometane resterait libre, mais que la liberté des habitants de tou tes classes, leur religion, leurs propriétés, leur com merce, leur industrie, ne recevraient aucune atteinte. C’était donc une conquête purement politique que la France entendait faire, et no une prise de possession du sol, Un nouveau souverain était proclamé. Les pro priétés ne changeaient pas de main. Or, la conquête ainsi entendue, en fallait —il espérer de suffisantes com pensations pour ce qu’elle avait coûté et pour ce qu’elle devait coûter encore !

Dès le premier jour, en effet, il était évident que si l’on voulait se fixer en Afrique, la prise d’Alger et celle da liltoral n’étaient pas des faits décisifs : les esprits fermes et à longue vue comprenaient qu’il fallait aller en avant et s’emparer du pays. A leurs yeux, la conquête effec tive de l’Algérie était la condition d’un établissement solide à Alger et sur la côte. Le premier agent de la colonisation et du progrès est la domination et la sécu rité qu’elle produit.

Il serait sans utilité de retracer les incertitudes des gouvernements qui se sont succédé en France sur la conduite à suivre et le parti à tirer de la conquête ; on ne pourrait sans quelque tristesse exposer ce mélange de persévérance et d’incertitude qui a signalé cette grande entreprise, « persévérance dans l’effort, — in certitude dans le but, >>

Inutile également de retracer ces luttes journalières dans lesquelles s’est formée cette glorieuse armée, qui a été et qui est encore le meilleur produit que nous ait donné le sol africain.

Inutile enfin de redire les insurrections des indigènes, chez qui se réveillait instantanément le sentiment natio nal froissé, et qui, séparés de leurs nouveaux maitres par les préjugés, par les croyances, par les lois, par leurs vertus mêmes, n’avaient rien de plus à cour que d’opposer aux droits des conquérants tous les genres de résistance active et passive.

Il suffit, pour l’appréciation du projet de loi dont le Sénat est saisi, de constater que si la conquête a été laborieuse, il n’y en a jamais eu de plus prompte, de plus humaine et de plus complète. Il n’a fallu qu’un quart de siècle à la France pour s’établir sur un in mense territoire.

Cependant, en France, la foule, éblouie par le prés tige d’une possession lointaine, par pressentiment peut être, avait håte de se transporter sur le territoire de la pouvelle conquête. L’idée de la colonisation s’emparait des esprits. On se rappelait que l’histoire avait qualifié l’Afrique : le grenier du monde. On y rêvait des for У

tunes brillantes et faciles.

C’est une vérité consacrée par l’expérience de tous les temps que toutes les colonies qui ont réussi ne se sont fondées que lentement, à travers de pénibles efforts, de cruelles souffrances, el des alternatives répétées de lattes et de repos, de progrès et de langueur. « L’épée marche vite, disait le maréchal Bugeaud ; la colonisation est lente de sa nature,

Les colons d’Afrique devaient l’apprendre à leurs dé pens. Que d’obstacles, en effet, réunis sous leurs pas ? §I.

Tout le monde sait ce qu’il y a eu d’accidentel dans l’événement qui a fait tomber sous notre empire l’Afrique septentrionale. C’est un point d’honneur qui a porté nos armes sur la plage d’Afrique ; c’est un point d’honneur qui les y a retenues et disséminées sur 200 lieues de territoire. Mais aucun projet de conquête, aucune espé rance de profit n’avait germé dans l’esprit de ceux qui