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sur ce point que s’est produite récemment une division dans les rangs des économistes. Les uns, l’ancienne école que j’appellerai, faute d’un autre terme, l’école orthodoxe, croit que tout se règle par l’effet des lois naturelles. L’autre école, que ses adversaires ont nommée les Socialistes de la chaire, et qu’on doit appeler plutôt l’école historique, ou comme disent les Allemands, l’école des « réalistes », cette école prétend que la répartition est réglée en partie sans doute par le libre contrat, mais aussi et plus encore par les institutions civiles et politiques, par les croyances religieuses, par les sentiments moraux, par la coutume et les traditions historiques ».


L’orateur fait ici une énumération assez incomplète et inexacte des publicistes appartenant à l’une et à l’autre école ; il dit en terminant que ce qui est remarquable, c’est que les deux écoles invoquent également l’autorité de Adam Smith, et avec raison, d’après moi, car son ouvrage immortel est un exemple si parfait et si fécond en conséquences utiles de l’alliance des deux méthodes scientifiques — la méthode déductive et la méthode inductive, — qu’on serait à certains égards presque tenté de souscrire à ce jugement récent d’un économiste américain, qui dit qu’après Shakspeare c’est Adam Smith qui fait le plus d’honneur à l’Angleterre.


M. Lowe avait parlé du caractère déductif et démonstratif des propositions d’Adam Smith, et cette appréciation a quelque peu surpris M.J.-E. Thorold Rogers, professeur d’économie politique, qui a parlé après M. de Laveleye. Chargé par l’université d’Oxford de préparer la dernière édition qui ait été publiée de la Richesse des nations, M. Rogers a eu l’occasion de s’assurer de l’immense lecture de son auteur et pour lui, personne parmi les économistes n’avait, moins que Smith, tiré ses enseignements des profondeurs de son intellect, out of the depths of his own consciousness, et n’avait plus invoqué, au contraire, l’autorité des faits, à l’appui de ses conclusions. De là, selon l’orateur, une grande différence entre lui et ses successeurs « lesquels se seraient épargné bon nombre d’erreurs, fallacies, s’ils avaient moins déserté sa trace ». Comme exemple, M. Rogers a cité précisément la théorie de la rente qu’a formulée Smith, en l’opposant à celle de David Ricardo, et contrairement à l’opinion exprimée par M. Lowe, il trouve l’une « tout à fait inattaquable », au point de vue historique et inductif, tandis qu’il qualifie l’autre de forte méprise, et même quelque chose de plus, conspicuous blunder. Quant aux trade’s unions, notre professeur