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IV. — Si l’on prend l’or pour étalon, le gramme d’or deviendra l’unité monétaire la plus convenable. — Si l’or est adopté partout comme étalon, et si l’on s’accorde pour faire de ce métal la monnaie universelle, il restera encore à savoir quel poids d’or on prendra pour unité commune. Ici le franc est nécessairement hors de cause et nous ne pouvons pas songer à le proposer, car le franc est une pièce d’argent. La loi de l’an XI suppose, à la vérité, que le franc de cinq grammes d’argent a pour équivalent en or un poids de 10/31 de gramme ; mais ce n’est là qu’une évaluation basée sur le cours de l’or en l’an XI, et qui ne peut pas être considérée comme invariable. Jamais, d’ailleurs, les nations étrangères ne consentiraient à prendre pour unité de mesure un poids de 10/31 de gramme d’or, et nous-mêmes nous sortirions des conditions générales de notre système métrique, en donnant pour point de départ à l’échelle des valeurs monétaires une fraction de poids qui n’est pas décimale. L’unité monétaire la plus rationnelle, celle qu’il semblerait le plus naturel d’adopter, ce serait le gramme d’or lui-même. Les pièces de monnaie seraient alors tout uniment désignées par le nombre de grammes qu’elles contiendraient, simplification qui suffirait pour rectifier bien des idées fausses sur la valeur des monnaies et pourrait prévenir bien des erreurs ou bien des fautes. Les monnaies ne sont, en effet, que des poids déterminés de métal, et il n’y a aucune bonne raison pour les désigner autrement que par leur poids. On rendrait ainsi beaucoup plus difficile les altérations du genre de celles qui ont été pratiquées à une autre époque et qui consistaient à diminuer le poids d’or ou d’argent contenu dans les pièces de monnaie, tout en leur laissant le même nom. Le gramme d’or ne rencontrerait probablement pas, de la part des autres nations, autant d’objections qu’elles en ont faites contre le franc. La principale de ces objections était le peu de valeur de la pièce ; presque partout, l’unité de mesure (florin, thaler, rouble, dollar, livre sterling) est beaucoup plus forte que le franc ; mais le gramme d’or, qui représente, au cours actuel du métal, une valeur d’un peu plus de trois francs[1], se rapproche autant qu’on peut le désirer des types les plus répandus ; il tient à peu près le milieu entre ces divers types, la livre sterling exceptée, et celle-ci est trop au-dessus des autres mesures de valeur pour qu’on ne l’écarte pas. Sans doute la substitution du gramme d’or au franc froisserait assez vivement les habitudes de nos populations ; mais si personne ne veut rien sacrifier de ses habitudes, il est parfaitement clair qu’on n’arrivera jamais à la communauté des mesures. Pour que le sacrifice soit accepté par tous, il faut qu’il soit à peu près égal pour tous. N’oublions donc pas que si nos concitoyens éprouvent de la répugnance à renoncer au franc, les autres peuples ne répugnent pas moins à renoncer au florin, au thaler, au rouble, ou à la livre sterling. Le changement d’unité sera même moins pénible chez nous que chez eux, car nous resterons dans les conditions du système métrique, et le rapport entre l’ancienne unité et la nouvelle pourra être formulé très-simplement. La loi de l’an XI avait fixé la valeur du gramme d’or à 3 fr. 10 ; mais cette valeur a un peu diminué depuis et s’est rapprochée de 3 fr. Or, si l’on jugeait possible de réduire à 3 fr.

  1. J’entends le gramme d’or à 9/10 de fin, titre de nos monnaies.