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Enfin, dans une dernière partie du travail, M. V. Modeste passe du domaine de la théorie et du droit dans celui de la pratique et des faits, et montre la propriété littéraire en parfait accord avec les intérêts de la société et des individus comme avec les principes de la justice.

À ce propos, je me permettrai de signaler encore aux auteurs du livre De la propriété intellectuelle un point d’étude Il y a deux modes principaux d’exercice du droit de propriété : la propriété individuelle et la propriété commune. Certains objets paraissent plutôt destinés à la propriété individuelle : les meubles, habits, instruments de travail, etc., etc.; certains autres à la communauté : les grandes routes, places publiques, monuments, etc., etc. N’y aurait-il pas lieu, par exemple, à se demander si certaines espèces de la richesse intellectuelle, les ouvrages des grands écrivains, par exemple, ne seraient pas plutôt aptes à subir le second mode que le premier ? Le droit naturel et primitif de propriété des auteurs sur leurs œuvres étant établi, ne pourrait-on alors examiner si, à de certains moments, comme par exemple à leur mort, il ne conviendrait pas que l’État, procédant par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique, rachetât leurs œuvres ?

M. V. Modeste termine en proposant des moyens pratiques de consécration de la propriété intellectuelle, notamment une matrice cadastrale de la propriété intellectuelle, et un impôt sur la propriété intellectuelle. Je sortirais du cadre que je me suis tracé en examinant en détail ces propositions ; je me bornerai simplement à constater pour la dernière fois l’assimilation persistante de la propriété intellectuelle avec la propriété foncière.

Après le travail scrupuleux et approfondi de M. Victor Modeste, il restait peu de chose à faire à M. P. Paillottet. Aussi s’est-il contenté de parcourir la question en la défendant à son tour contre les attaques de l’empirisme, dont il a bien saisi le caractère. « Un philosophe prit part à la conversation et me dit : Je me défie de votre logique. Vous assimilez des choses bien différentes en ne voyant dans un livre qu’une marchandise, et dans un auteur qu’un industriel. Cela me choque. — Il est cependant bien légitime, repris-je, lorsque des choses diverges ont une qualité commune, de les comprendre toutes dans un raisonnement qui porte sur cette qualité, etc., etc.[1]. »

M. P. Paillottet a fait également justice d’un certain droit naturel de reproduction qui ne tendait à rien moins qu’à l’absorption complète du droit naturel de propriété.

J’ai, comme on peut voir, poursuivi la critique du livre De la propriété intellectuelle beaucoup moins en raison de l’état réel de la question qu’au point de vue de sa solution parfaite et encore idéale, c’est-à-dire

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