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grande partie pour cause l’ignorance des lots les plus fondamentales de l’ordre naturel, et des notions les plus élémentaires de l’Économie sociale. Grande politique, politique traditionnelle, diplomatie, équilibre européen, légitime influence, révolution, propagande, socialisme, sont autant de touffes de sophismes aboutissant à des préjugés, à des abus, à des erreurs, à des vices économiques ; préjugés, abus, erreurs, vices, dont les peuples sauront bien certainement se préserver un jour, mais qui viennent de les replonger dans la barbarie.

La politique proprement dite ne devrait guère avoir d’autre base que l’économie politique. Qu’est-ce, en effet, que la politique ? L’art de distinguer la nature des intérêts généraux des peuples et de les protéger. Or, quelle est la science qui enseigne le plus de notions sur ses intérêts, si ce n’est l’économie politique, qui a pour mot d’ordre constant et universel la justice, source naturelle de morale ?

Quoi qu’il en soit, nous devons, dans ce recueil, laisser de côté les grands faits de la politique proprement dite, pour nous circonscrire dans ceux plus spécialement rangés dans la catégorie économique.

Au nombre de ces faits, l’agitation socialiste a encore dominé pendant l’année qui s’achève. Débusqué du pouvoir où l’ignorance et la confiance des hommes des barricades de Février l’avaient élevé dans personne de M. Louis Blanc et de quelques autres, par la réaction de l’opinion publique et l’arrivée de l’Assemblée constituante, le Socialisme, effrayé de son œuvre dans les journées de juin, avait concentré ses efforts sur la discussion de la Constitution : il avait failli y faire pénétrer la doctrine du droit au travail, et il y avait très-positivement laissé des traces de son influence dans ce fameux article 13, où le bien et le mal sont si malheureusement enchevêtrés et condensés. Plus tard, après avoir un instant perdu ses forces dans l’élection présidentielle, il a pu les réunir de nouveau à l’approche des élections des représentants, et faire envoyer à l’Assemblée législative près de cent vingt députés acceptant le titre de montagnards socialistes, et combinant les traditions révolutionnaires de 93 avec les aspirations des diverses écoles vaguement exprimées.

Cette coalition ne s’est pas opérée sans peine.

Après la découverte des idées du Luxembourg, après la lugubre folie des journées de juin, l’extrême gauche de l’Assemblée nationale voulut se constituer en parti indépendant du socialisme, et se rendre irresponsable des utopies des Louis Blanc, des Cadet, des Proudhon, des Pierre Leroux, des Considérant ; elle affecta de vouloir reprendre les doctrines de la Révolution et la tradition directe de 93 ; elle se dit composée de purs démocrates, de démocrates absolus. Qu’étaient-ce que ces doctrines en dehors des faits de démolition, en dehors de la lutte du Comité de salut public, des attentats à la liberté.