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pamphlets écrits par les hommes que pousse le vent de la popularité.

Sous l’influence de cette triste direction, l’opinion publique en désarroi n’a su faire qu’une chose, envoyer à l’Assemblée législative une majorité et une minorité également incapables, dominées par des préjugées qui se distinguent par les tendances et les moyens, mais qui partent d’un tronc commun : l’inintelligence des conditions de la vie économique des nations, des institutions qu’il y a lieu de fortifier, de celles qui ont fait leur temps, et de celles qui nous mèneraient droit à l’abîme.

De remède direct à la situation, il n’y en a d’autre, pour la génération qui est aux affaires, que les conseils qui ressortiront de l’expérience des fautes du passé et des fautes du présent ; il n’y en a pas d’autre, pour celle qui est appelée à lui succéder, que l’étude des principes et des lois économiques, que les pouvoirs publics ont plus que jamais le devoir de répandre s’ils veulent que la solution du problème de l’avenir, le progrès, se dégage pacifiquement des difficultés qu’engendrent l’ignorance, l’esprit de vertige, l’abus et le monopole, ces éternels ennemis du genre humain.

Dans toute l’Europe, l’année a été douloureusement absorbée par la guerre et les agitations politiques. L’an dernier, la démagogie compromettait les conquêtes de l’esprit de liberté ; plus tard, de barbares réactions préparaient de futures tempêtes. En France, Dieu en soit loué, l’année a pu se passer sans coup d’État et sans effusion de sang ; mais de progrès véritables, nous n’avons pas à en constater. La fin de la Constituante et le commencement de la Législative ont été perdus en de futiles débats relatifs à la suprématie des pouvoirs créés par la Constitution. Les armements restent les mêmes et le budget converge toujours vers l’effrayant chiffre de deux milliards. Comme il est impossible que nous suivions longtemps cette roue pleine de précipices, nous avons l’espoir que l’imminence du danger finira par ouvrir les yeux de l’opinion, et pas la pousser dans la voie où il l’a devancée déjà, nous avons été heureux de le constater, l’opinion publique en Angleterre. Alors seulement il sera possible d’obtenir des réformes financières, commerciales et économiques capables de ranimer l’industrie, et de calmer le socialisme révolutionnaire qui exploite l’ignorance des masses. C’est ainsi que nos voisins ont la sagesse d’agir : pendant que nous discutions d’un bout de l’année à l’autre sur le retour au statu quo, ils opéraient de nouvelles réformes, ils abolissaient presque toutes les entraves de la navigation, et s’avançaient à grands pas vers une notable réduction des dépenses publiques.