Page:Journal des économistes, 1849, T23.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DE LA LEGISLATION DES VOIES DE TRANSPORT 223 principes démocratiqQes qui doivent présider à la réglementation des tarifs. Que serait-ce donc si, poussant plus loin cet examen, on lui faisait voir ici la carriole non suspendue encouragée par une exemption d’impôt, puis, dans une autre disposition de la loi, cette carriole poursuivie, persécutée, imposée au nom de l’intérêt des routes; ici un pont où on paye parce qu’il a coûté cher; là, un pont où on ne paye pas quoiqu’il ait coûté dix fois plus? Mais nous en avons assez dit pour faire voir qu’il y a lieu à un examen détaillé de toute cette antique réglementation qui, aujourd’hui, ne devrait plus figurer que dans l’histoire. A Dieu ne plaise que dans cet examen nous apportions un esprit de dénigrement systématique contre tout ce qui est vieux , contre tout ce qui est ancien; esprit tout aussi faux, tout aussi injuste que cette espèce de culte aveugle qui fait recevoir comme des bienfaits tout ce qui vient du passé, et repousser comme dangereux tout ce qui est nou- veau, tout ce qui est changement. On ne veut pas faire cette distinc- tion importante entre le domaine de l’imagination et celui de la science, d’où relève l’industrie. Le premier ne reçoit du temps que des modifications individuelles, qui ne l’agrandissent ni ne le diminuent. Virgile a-t-il été plus loin qu’Homère et Racine que ses devanciers? Ce sont là des questions qui resteront toujours indécises. Mais de Py- thagore à Archimède, mais d’Archimède à Newton, quelle distance incontestable! quelles vastes conquêtes! Ici on ne peut plus juger les hommes d’une manière absolue, il faut les placer dans leur siècle et ne jamais oublier que les derniers venus ne sont pas plus grands que leurs devanciers. S’ils ont l’avantage de voir mieux et plus loin, c’est qu’ils sont montés sur leurs épaules. La science et l’industrie, en s’a- vançant d’âge en âge, s’agrandissent de ce que chacun d’eux vient y ajouter, et ce dépôt atteindrait bien vite une limite dans les bornes de l’esprit humain, s’il n’avait la faculté de se diviser et de se subdiviser en une infinité de branches qui grandissent et se développent de la même manière pour se subdiviser encore. On peut être, en fait de science et d’industrie, cent fois moins ha- bile que le devancier dont on critique, dont on modifie le travail avec beaucoup de raison. On a en effet sur lui l’énorme avantage d’avoir sous les yeux, d’avoir expérimenté pendant longtemps ce qu’il avait été obligé de concevoir et d’inventer. Il faut donc, dans ces sortes de matières, se défier d’une argumentation souvent employée, parce qu’elle est commode pour ceux qui, ne pouvant ou ne voulant se don- ner la peine de se former une opinion, en prennent une toute faite dans les livres qui font autorité. De ce qu’une institution est ancienne, de ce qu’elle a été bonne même pendant longtemps, il ne s’ensuit pas qu’elle le soit encore aujourd’hui que tout a changé, la population, les mœurs, les habitudes et les besoins. Avant d’aller plus loin , jetons un peu les regards en arrière,