Page:Journal des économistes, 1849, T23.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DE LA LÉGISLATION DES VOIES DE TRANSPORT. 219

ves et aussi importantes, on ne doit pas se laisser conduire par le ca- price du moment, passer de l’engouement des canaux à celui des che- mins de fer; qu’on ne doit pas disposer ainsi de l’argent des contribua- bles sans se rendre compte de l’utilité publique qu’ils pourront en retirer, sans examiner si on ne pourrait pas en faire un emploi plus productif et moins prodigue. Notre but, en publiant cet écrit, est de poser quelques règles et quelques principes généraux qu’on pourrait prendre pour guides dans la voie dans laquelle on est entré et où il nous semble qu’on marche au hasard, et d’indiquer quelques mesures à prendre dès à présent pour rétablir l’ordre et l’harmonie dans une législation déjà ancienne et qui, dans tous les cas, n’a pas été faite pour l’état de choses actuel. J’ai dit que l’usage vulgaire du transport des personnes et des mar- chandises était un fait récent. Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de remarquer qu’il ne peut exister qu’à l’aide des routes et des voitures. Or, la construction de la plupart des routes actuelles ne date que du siècle dernier, du règne de Louis XV; avant, sauf quelques rares exceptions, on n’avait que des chemins, c’est-à-dire des endroits qu’on ne labourait pas, impraticables la moitié de l’année, traversant les rivières à gué ou en bac, montant ou descendant de front les mon- tagnes les plus escarpées. Quel mouvement de marchandises ou de voyageurs pouvait avoir lieu sur de pareilles voies de communication ? Au reste, elles existent encore presque partout à côté des routes nou- velles qui n’ont fait que les remplacer, et on n’a qu’à parcourir quel- ques-uns de ces chemins indiqués sur les anciennes cartes, avec leur dénomination de route de grande ville à grande ville, pour être con- vaincu qu’ils n’ont jamais été praticables que pour le messager et le coche des vovageurs qui faisaient de cinq à six lieues par jour•. L’in- génieur qui examine le tracé des routes du siècle dernier y trouve encore une preuve que ses prédécesseurs ne savaient pas ce que c’était que le roulage. Il y a, en effet, absence complète des règles de l’art, ou plutôt un art tout à fait étranger aux besoins qu’il doit satisfaire. L’ingénieur ne se préoccupe que de trouver de grands et de beaux alignements, heureux quand il peut leur donner pour point de vue le clocher d’un village ou quelque monument remarquable. Si de trop grands obstacles font infléchir son tracé, il ira chercher le sommet d’une montagne pour y cacher son angle, que le voyageur ne pourra aper- cevoir qu’en passant. Loin d’éviter les pentes, il les cherche, ne crai- gnant rien tant qu’une route horizontale dont l’entretien lui paraît impossible. Dans les mémoires à l’appui de ces projets, on trouve des phrases telles que celles-ci : «Ce tracé ayant des pentes plus ra- « pides et plus nombreuses, nous lui avons donné la préférence, parce

Les anciennes rues des villes, si étroites, si tortueuses et souvent si rapides, prou- vent que nos pères ne se préoccupaient pas beaucoup des voitures.