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DE LA PRODUCTION DE LA SÉCURITÉ.

pose ? Est-elle toujours, en tous cas, respectée par la minorité ? Peut-elle l’être ?

Prenons un exemple.

Supposons que le socialisme réussisse à se propager parmi les classes ouvrières des campagnes, comme il s’est déjà propagé parmi les classes ouvrières des villes ; qu’il se trouve, en conséquence, à l’état de majorité dans le pays, et que, profitant de cette situation, il envoie à l’Assemblée législative une majorité socialiste et nomme un président socialiste ; supposez que cette majorité et ce président, investis de l’autorité souveraine, décrètent, ainsi que le demandait M. Proudhon, la levée d’un impôt de trois milliards sur les riches, afin d’organiser le travail des pauvres, est-il probable que la minorité se soumettra paisiblement à cette spoliation inique et absurde, mais légale, mais constitutionnelle ?

Non sans doute, elle n’hésitera pas à méconnaître l’autorité de la majorité et à défendre sa propriété.

Sous ce régime, comme sous le précédent, on n’obéit donc aux dépositaires de l’autorité qu’autant qu’on croit avoir intérêt à leur obéir.

Ce qui nous conduit à affirmer que le fondement moral du principe d’autorité n’est ni plus solide ni plus large, sous un régime de monopole ou de communisme, qu’il ne pourrait l’être sous un régime de liberté.

IX.

Supposez néanmoins que les partisans d’une organisation factice, monopoleurs ou communistes, aient raison ; que la société ne soit point naturellement organisée, et qu’aux hommes incombe incessamment la tâche de faire et de défaire les lois qui la régissent, voyez dans quelle lamentable situation se trouvera le monde. L’autorité morale des gouvernants ne s’appuyant, en réalité, que sur l’intérêt des gouvernés, et ceux-ci ayant une naturelle tendance à résister à tout ce qui blesse leur intérêt, il faudra que la force matérielle prête incessamment secours à l’autorité méconnue.

Monopoleurs et communistes ont, du reste, parfaitement compris cette nécessité.

Si quelqu’un, dit M. de Maistre, essaye de se soustraire à l’autorité des élus de Dieu, qu’il soit livré au bras séculier, que le bourreau fasse son office.

Si quelqu’un méconnaît l’autorité des élus du peuple, disent les théoriciens de l’école de Rousseau, s’il résiste à une décision quelconque de la majorité, qu’il soit puni comme criminel envers le peuple souverain, que l’échafaud en fasse justice.

Ces deux écoles, qui prennent pour point de départ l’organisation factice, aboutissent donc nécessairement au même terme, à la terreur.

X.

Qu’on nous permette maintenant de formuler une simple hypothèse.