Page:Journal des économistes, 1849, T22.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
279
DE LA PRODUCTION DE LA SÉCURITÉ.

de se passer de gouvernement, partant de sécurité, et l’on ne saurait dire qu’en agissant ainsi, ils calculent mal.

Supposez, en effet, qu’un homme se trouve incessamment menacé dans sa personne et dans ses moyens d’existence, sa première et sa plus constante préoccupation ne sera-t-elle pas de se préserver des dangers qui l’environnent ? Cette préoccupation, ce sion, ce travail absorberont nécessairement la plus grande partie de son temps, ainsi que les facultés les plus énergiques et les plus actives de son intelligence. Il ne pourra, en conséquence, appliquer à la satisfaction de ses autres besoins qu’un travail insuffisant, précaire et une attention fatiguée.

Alors même que cet homme serait obligé d’abandonner une partie très-considérable de son temps, de son travail à celui qui s’engagerait à lui garantir la possession paisible de sa personne et de ses biens, ne gagnerait-il pas encore à conclure le marché ?

Toutefois, son intérêt évident n’en serait pas moins de se procurer la sécurité au plus bas prix possible.

II.

S’il est une vérité bien établie en économie politique, c’est celle-ci :

Qu’en toutes choses, pour toutes les denrées servant à pourvoir à ses besoins matériels on immatériels, le consommateur est intéressé à ce que le travail et l’échange demeurent libres, car la liberté du travail et de l’échange ont pour résultat nécessaire et permanent un maximum d’abaissement dans le prix.

Et celle-ci :

Que l’intérêt du consommateur d’une denrée quelconque doit toujours prévaloir sur l’intérêt du producteur.

Or, en suivant ces principes, on aboutit à cette conclusion rigoureuse :

Que Ia production de Ia sécurité doit, dans l’intérêt des consommateurs de cette denrée immatérielle, demeurer soumise à la loi de la libre concurrence.

D’où il résulte :

Qu’aucun gouvernement ne devrait avoir le droit d’empêcher un autre gouvernement de s’établir concurremment avec lui, ou d’obliger les consommateurs de sécurité de s’adresser exclusivement à lui pour cette denrée.

Cependant, je dois dire qu’on a, jusqu’à présent, reculé devant cette conséquence rigoureuse du principe de la libre concurrence.

Un des économistes qui ont étendu le plus loin l’application du principe de liberté, {{M.|[[Auteur:Charles}} Dunoyer|Charles Dunoyer]], pense « que les fonctions des gouvernements ne sauraient jamais tomber dans le domaine de l’activité privée[1]. »

Voilà donc une exception claire, évidente, apportée au principe de la libre concurrence.

Cette exception est d’autant plus remarquable, qu’elle est unique.

Sans doute, on rencontre des économistes qui établissent des exceptions plus nombreuses à ce principe ; mais nous pouvons hardiment affirmer que

  1. Dans son remarquable livre De la liberté du travail, t. III, p. 353, éd. Guillaumin.