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JOURNAL DES ÉCONOMISTES.

A quelle impulsion naturelle obéissent les hommes en se réunissant en société ? Ils obéissent à l'impulsion ou, pour parler plus exactement, à l'instinct de la sociabilité. La race humaine est essentiellement sociable. Comme les castors et, en général, comme les espèces animales supérieures, les hommes sont portés d'instinct à vivre en société.

Quelle est la raison d'être de cet instinct ?

L'homme éprouve une multitude de besoins à la satisfaction desquels sont attachées des jouissances et dont la non-satisfaction lui occasionne des souffrances. Or, seul, isolé, il ne peut pourvoir que d'une manière incomplète, insuffisante à ces besoins qui le sollicitent sans cesse. L'instinct de la sociabilité le rapproche de ses semblables, le pousse à se mettre en communication avec eux. Alors s'établit, sous l'impulsion de l'intérêt des individus ainsi rapprochés, une certaine division au travail, nécessairement suivie d'échanges ; bref, on voit se fonder une organisation, moyennant laquelle l'homme peut satisfaire à ses besoins, beaucoup plus complétement qu'il ne le pourrait en demeurant isolé.

Cette organisation naturelle se nomme la société.

L'objet de la société, c'est donc la satisfaction plus complète des besoins de l'homme ; le moyen , c'est la division du travail et l'échange.

Au nombre des besoins de l'homme, il en est un d'une espèce particulière et qui joue un rôle immense dans l'histoire de l'humanité, c'est le besoin de sécurité.

Quel est ce besoin ?

Soit qu'ils vivent isolés ou en société, les hommes sont, avant tout, intéressés à conserver leur existence et les fruits de leur travail. Si le sentiment de la justice était universellement répandu sur la terre ; si, par conséquent, chaque homme se bornait à travailler et à échanger les fruits de son travail, sans songer à attenter à la vie ou à s'emparer, par violence ou par ruse, des fruits du travail des autres hommes ; si chacun avait, en un mot, une instinctive horreur pour tout acte nuisible à autrui, il est certain que la sécurité existerait naturellement sur la terre, et qu'aucune institution artificielle ne serait nécessaire pour la fonder. Malheureusement il n'en est point ainsi. Le sentiment de la justice semble n'être l'apanage que de certaines natures élevées, exceptionnelles. Parmi les races inférieures, il n'existe qu'à l'état rudimentaire. De là, les innombrables atteintes portées depuis l'origine du monde, depuis l'époque de Caïn et Abel, à la vie et à la propriété des personnes.

De là aussi, la fondation d'établissements ayant pour objet de garantir à chacun la possession paisible de sa personne et de ses biens.

Ces établissements ont reçu le nom de gouvernements.

Partout, au sein des peuplades les moins éclairées, on rencontre un gouvernement, tant est général et urgent le besoin de sécurité auquel un gouvernement pourvoit.

Partout, les hommes se résignent aux sacrifices les plus durs plutôt que