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trop précipitée ; qu’on a fait dans l’enseignement une suppression qui sera sévèrement qualifiée en Europe ; qu’on a mis en avant des noms impossibles et qu’on a créé des cours qui, malgré le zèle et le talent des professeurs, ne seront que des superfétations.

Le Moniteur nous dit que les nouveaux cours seront gratuits. Est-ce gratuits pour commencer, ou gratuits à perpétuité ? Ce dernier système est une chimère. Le premier est un petit artifice qui ne mérite pas qu’on s’y arrête.

II.


M. Michel chevalier nous a adressé la lettre suivante, qui est pleine de dignité et de convenance.

Monsieur,

Rien n’est plus simple qu’une destitution en ce temps-ci. Je suis donc peu surpris de la mesure qui m’a retiré ma chaire d’économie politique, quoique les révolutions en général eussent respecté jusqu’ici le collège de France. Mais le gouvernement provisoire ayant jugé à propos d’expliquer dans le Moniteur pourquoi les titulaires des chaires supprimées n’étaient pas appelés à quelqu’une des chaires nouvelles, je crois devoir, en ce qui ne concerne, relever l’explication.

J’avais supposé que si j’étais révoqué sans qu’une des cinq nouvelles chaires d’économie me fût confiée, c’était en punition de ce que j’avais essayé, et autrefois et récemment, de réfuter certaines doctrines fort en crédit pour le moment sur l’organisation du travail. Ce n’était pas cela. D’après le Moniteur, on s’est borné à me faire l’application d’une mesure nouvelle sur le cumul, qui jusqu’à ce jour était restée sous le boisseau : je dois quitter le collège de France parce que je suis déjà ingénieur en chef des mines. Le Moniteur n’a pas dit dans quelles proportions je cumulais. Je tiens à réparer cette omission. Le cumul que j’exerçais n’était point exorbitant par l’importance des fonctions que je remplis en qualité d’ingénieur, ces fonctions sont fort modestes ; il ne l’était point par le traitement qui y est attaché, c’est un traitement de quinze cents francs.

L’auteur de l’article du Moniteur n’a pas pris garde que précisément dans l’organisation nouvelle du collège de France, deux de ces chaires d’économie sont confiées à deux ingénieurs en chef d’un grand mérite assurément, chargés tous les deux, connue ingénieurs, de fonctions beaucoup plus absorbantes que les miennes et cinq ou six fois mieux rétribuées. Si le motif qui m’a fait écarter est bon, comment est-ce qu’il l’est contre moi seul ?

Mais, monsieur, si je vous écris, ce n’est point pour soulever une misérable question de traitement et une question personnelle non moins misérable. J’ai dû seulement faire connaître le véritable sens qu’il convenait d’attacher aux paroles du Moniteur. Ce qui m’afflige ici, ce que j’ai le droit de signaler comme tout le monde, c’est que la suppression de la chaire d’économie politique au collège de France laisse un vide dans l’enseignement public. Après tout, si on jugeait mauvais qu’elle fût occupée par moi, que ne la donnait-on à un autre ? Ces procédés sommaire sont le pain quotidien des révolutions. On le sait et on en prend son parti. Mais pourquoi la supprimer ? C’était la seule chaire d’économie politique qu’il y eût en France. La France était déjà le pays d’Europe où l’économie politique s’enseignait le moins, et par ce motif c’est aussi l’un de ceux où il est le plus facile d’accréditer les idées chimériques d’un certain genre. Désormais on ne l’y enseignera plus du tout.

Remarquez en effet, monsieur, que les cinq chaires créées au collège de France, sous le nom d’économie générale et de statistique, ne remplacent pas la chaire d’é-