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Puis, il établit qu’à ces diverses époques le progrès se fût fait plus facilement sans révolutions brusques. Il arrive à dire qu’il ne justifie pas ces deux insurrections, mais qu’il les excuse ; et, en parlant de la rébellion de juin, il continue ainsi :

Je l’excuse, dis-je, et pourquoi ? Parce que le droit au travail, droit constitutionnel, garanti par le gouvernement provisoire, posé par l’Assemblée nationale, est depuis quatre mois indignement violé.

Était-ce respecter le droit au travail que de faire remuer de la boue par cent mille hommes, d’en enrégimenter vingt-cinq mille autres, sous ce prétexte que l’État n’étant, ne pouvant et ne voulant être ni agriculteur, ni voiturier, ni industriel, ni commerçant, n’avait pas de travail à donner aux ouvriers ?

Était-ce respecter le droit au travail que d’appeler une aumône déguisée le salaire de cent mille ouvriers employés aux ateliers nationaux, alors que ce salaire, d’après le texte formel de la Constitution, qui garantit le travail, n’était en réalité qu’une juste indemnité ?

Oui, je l’affirme hardiment, et malheur à qui pourrait le méconnaître, le droit au travail, conquis par la révolution de Février, reconnu par tout le peuple, promis par le gouvernement et la Constitution, est violé depuis quatre mois.

Ou rayez-le du pacte social, ou plaignez ceux que vous avez réduits à le revendiquer les armes à la main, et, après les avoir fusillés, ne les calomniez pas.

Oui, il faut se hâter de rayer du pacte social ce droit trompeur que tant de gens ont prôné sans le comprendre, avant la révolution de 1848 ; que les hommes de février ont inscrit sur le drapeau de la République, sans voir quels engagements ils souscrivaient ; que la majorité de la Commission de la constitution a introduit dans le préambule de cet acte, par faiblesse ; et qui a mis, la misère et les incitateurs aidant, les armes à la main de quarante à cinquante mille hommes égarés.

Nous ne dirons pas avec M. Proudhon que ce droit a été indignement violé, nous dirons qu’il a été forcément violé ; parce que ce n’est pas un droit, mais une illusion, que nous n’avons cessé de combattre longtemps avant la révolution de Février, fidèles à la tradition économique, fidèles à ce bon et excellent Malthus que calomniait, hier encore, sans le connaître, M. Pierre Leroux.

En résumé, les hommes des barricades de juin ont réclamé les bénéfices d’une illusion, à laquelle leur ont fait croire la plupart des hommes politiques ; et ceux-ci ont prêché cette illusion sur la foi des socialistes purs. Voilà comment s’enchaîne la responsabilité des événements de juin.

Mais que l’on comprenne bien notre pensée. Si nous voulons que l’histoire et la science soient impitoyables contre les théories qui ont proclamé des aberrations, qu’on ne nous fasse pas l’injure de croire que nous ne trouvons pas une incommensurable différence entre les pionniers qui parcourent le champ de la pensée, même imprudemment et pour s’y perdre, et les ambitieux qui abusent de l’ignorance des masses, font appel à la force brutale, et provoquent le carnage au sein des populations.

Ceci nous conduit en ligne droite à M. Considérant. Lui et ses amis n’ont rien négligé depuis février pour faire croire à la possibilité d’une république socialiste. Nous sommes singulièrement de son avis quand il dit, dans la Démocratie pacifique, que les massacres de juin sont une leçon pour lui ; mais nous repoussons toute solidarité, et nous ne reconnaissons, nous, dans les événements