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C’est même cet abus de la force qui donne naissance à l’association, à la convention, à la loi ; qui met la force publique au service de la propriété. Donc, la loi naît de la propriété, bien loin que la propriété naisse de la loi.

On peut dire que le principe de la propriété est reconnu jusque parmi les animaux. L’hirondelle soigne paisiblement sa jeune famille dans le nid qu’elle a construit par ses efforts.

La plante même vit et se développe par assimilation, par appropriation. Elle s’approprie les substances, les gaz, les sels qui sont à sa portée. Il suffirait d’interrompre ce phénomène pour la faire dessécher et périr.

De même l’homme vit et se développe par appropriation. L’appropriation est un phénomène naturel, providentiel, essentiel à la vie, et la propriété n’est que l’appropriation devenue un droit par le travail. Quand le travail a rendu assimilables, appropriables des substances qui ne l’étaient pas, je ne vois vraiment pas comment on pourrait prétendre que, de droit, le phénomène de l’appropriation doit s’accomplir au profit d’un autre individu que celui qui a exécuté le travail.

C’est en raison de ces faits primordiaux, conséquences nécessaires de la constitution même de l’homme, que la loi intervient. Comme l’aspiration vers la vie et le développement peut porter l’homme fort à dépouiller l’homme faible, et à violer ainsi le droit du travail, il a été convenu que la force de tous serait consacrée à prévenir et réprimer la violence. La mission de la loi est donc de faire respecter la propriété. Ce n’est pas la propriété qui est conventionnelle, mais la loi.


Recherchons maintenant l’origine du système opposé.

Toutes nos constitutions passées proclament que la propriété est sacrée, ce qui semble assigner pour but à l’association commune le libre développement, soit des individualités, soit des associations particulières, par le travail. Ceci implique que la propriété est un droit antérieur à la loi, puisque la loi n’aurait pour objet que de garantir la propriété.

Mais je me demande si cette déclaration n’a pas été introduite dans nos chartes pour ainsi dire instinctivement, à titre de phraséologie, de lettre morte, et si surtout elle est au fond de toutes les convictions sociales ?

Or, s’il est vrai, comme on l’a dit, que la littérature soit l’expression de la société, il est permis de concevoir des doutes à cet égard, car jamais, certes, les publicistes, après avoir respectueusement salué le principe de la propriété, n’ont autant invoqué l’intervention de la loi, non pour faire respecter la propriété, mais pour modifier, altérer,