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du gouvernement provisoire, en face des difficultés qu’il s’est créées et des objections que son système a provoquées dans l’opinion publique, jusqu’au sein des classes ouvrières elles-mêmes. L’égalité des salaires n’est pas populaire. M. Louis Blanc tourne la difficulté en proposant l’égalité des salaires combinée avec l’inégalité des bénéfices !

Nous nous plaignions, dans notre dernière Revue, de la censure partiale de MM. Blanc et Vidal, qui n’insèrent dans le Moniteur que ce qui leur convient des discussions qui ont lieu au sein de la Commission très-improprement dite des travailleurs. M. Considérant s’est plaint à son tour, dans la Démocratie, que la séance antérieure à celle dans laquelle le dernier discours publié de M. Louis Blanc a été prononcé, n’a pas été publiée. Dans cette séance, M. Considérant a combattu la doctrine communiste du membre du gouvernement provisoire et a proposé ses vues. Il y a cela de remarquable dans le discours de M. Considérant, qu’il fait appel à l’association libre et volontaire, et qu’il parle avec plus de respect que jadis de la liberté. En général, l’intolérance d’autrui est un bon correctif pour notre propre intolérance.

Un phénomène semblable se fait remarquer dans l’allure de l’Atelier et de la Revue nationale, qui nous répondaient avec morgue et aigreur, et qui reviennent d’une manière marquée aux raisons plus voisines de la nature de celles que nous croyons vraies. Les journaux protectionnistes, le Constitutionnel et le Moniteur industriel, qui avaient le courage de prendre le contre-pied des vérités économiques, dans leur guerre contre le libre échange, ont changé de manœuvre. Les voilà qui invoquent les observations de la science pour combattre les propositions des socialistes, avec lesquels ils se coalisaient hier encore.

— Le chemin de fer d’Orléans a été mis sous le séquestre, c’est-à-dire qu’en attendant un parti à prendre, c’est l’État qui l’administre. On dit que cet acte a été fait d’accord avec l’administration de ce chemin, débordée par les prétentions des ouvriers et des employés, dont les idées ont été brouillées par la révolution de Février.

Cette circonstance a mis sur le tapis la question du rachat forcé des autres chemins de fer, payables en rentes à un taux à débattre. On dit le gouvernement provisoire très-occupé de cette affaire. Notre première réflexion sera qu’il se mêle d’une question qui ne le regarde nullement, et pour la solution de laquelle nous lui refusons toute compétence politique et intellectuelle. De ce que, comme l’a dit avec une grande raison M. Charles Reybaud, dans une brochure intitulée : Révolution et République, le gouvernement provisoire est de fait et de droit un pouvoir révolutionnaire, absolu, dictateur, ce n’est pas une raison pour qu’il use, hors de propos, de son autorité ; pour qu’il fasse ce que ne nécessitent point les circonstances ; pour qu’il se jette dans une immense affaire avec légèreté.

Qu’on discute de nouveau à l’Assemblée constituante la question de savoir si l’État fera construire et exploiter les nouvelles voies de communication par ses agents, rien de plus naturel ; mais qu’un pouvoir improvisé tranche à la hâte la difficulté, et qu’il subisse l’impulsion des faiseurs de projets qui demandent le rachat forcé des Banques, des mines, etc., c’est ce que notre raison ne peut comprendre.

Ne parle-t-on pas aussi dans les clubs du rachat du sol, du rachat du capital ! toujours par l’État qui payerait en rentes ? — Il faut pourtant faire quelque chose ! c’est le mot de ralliement dans les ministères où les têtes fortes, do-